Le communiqué :
Voilà le temps des sénatoriales. C’est le moment de jouer cartes sur tables.
Dans un long article publié il y a quelque temps, un universitaire, Monsieur André ORAISON dressait un portrait à l’encre noire de l’amendement VIRAPOULLE et allait même jusqu’à emprunter un langage quasi-religieux (hérésie constitutionnelle, méphistophélique …) pour éreinter l’amendement VIRAPOULLE. Ainsi, c’est cet amendement quasiment diabolique à en croire certain qui serait à l’origine de beaucoup des maux qui accablent l‘Ile de le Réunion. Et voilà que ce débat, essentiel pour l’avenir, resurgit.
Cette orientation est partagée non seulement par la gauche PS-PCR mais aussi par la liste sénatoriale prétendument de droite conduite par Liliane MALET et Nassimah DINDAR. Oui, les dès sont pipés ! Oui, les cartes sont truquées. Je vais vous en apporter la preuve.
Le 21 septembre 2020 au Sénat voilà ce que dit Mme DINDAR sénatrice sortante et à nouveau colistière de Michel Fontaine à propos de cette fusion que j’estime pour ma part, comme Jean Paul VIRAPOULLE, mortelle des articles 73 et 74 qui nous condamnerait à l’assemblée unique, antichambre de l’autonomie :
« …la fusion des deux articles 73 et 74 est une très bonne proposition. Certains y sont défavorables (JPV) (…) cela reflète me semble-t-il une vision passéiste de l’évolution de nos territoires. (…)». « J’estime que la fusion des deux articles est nécessaire pour parvenir à un nouveau modèle. (…)». « … il faut préparer les éléments pour aller éventuellement vers une collectivité unique (…). « la focalisation de la Réunion sur l’article 73 serait un recul plutôt qu’une avancée. »
Et Mme DINDAR, fait alors référence à Wilfrid BERTILE ex-député socialiste à l’époque partisan de l’assemblée unique et aujourd’hui conseiller régional de la majorité de Huguette BELLO !! Bref, sa boussole et celle de cette liste est orientée vers la gauche Réunionnaise. Cette accointance avec la gauche ne correspond-elle d’ailleurs pas au positionnement politique de ces élus qui n’ont pas hésité à, d’abord, en 2020, faire la courte échelle à Madame BAREIGTS aux municipales à St Denis, puis, en s’alliant avec la gauche en 2021 aux régionales pour faire perdre la droite de Didier Robert.
Quels sont les arguments juridiques qui militeraient vers la suppression de cet amendement VIRAPOULLE qui est, en réalité, un cadenas bleu, blanc, rouge qui ferme la porte aux aventuriers ? Et puis, quelles retombées économiques et sociales pourrait-on attendre d’une telle évolution ?
Un peu d’histoire, d’abord pour rappeler que l’amendement VIRAPOULLE adopté en 2003 après le discours de MADIANA et l’appel de BASSE-TERRE dans lesquels la Martinique, la Guadeloupe, et la Guyane ont essayé d’entrainer l’ensemble des DOM vers quelque chose qui s’appelle l’autonomie. Vingt ans après, le tableau n’a guère changé et s’est même assombri. En effet, la Martinique et la Guyane, qui n’ont pas souhaité l’amendement VIRAPOULLE, ont eu l’assemblée unique. Et voilà qu’ils demandent aujourd’hui l’autonomie, voire un statut néocalédonien. Car ne nous y trompons pas : l’autonomie est l’antichambre de l’indépendance. Mon professeur de droit constitutionnel à Aix en Provence, le recteur Michel Henri FABRE, disait « C’est la même pente ! ». D’ailleurs les KANAKS qui ont l’autonomie réclament aujourd’hui l’indépendance. Alors oui, cette crainte du largage n’est pas une hypothèse d’école.
Sur le plan économique et social, qu’ont tiré les Antilles (où l’amendement VIRAPOULLE n’existe pas) de ce soi-disant espace de liberté constitutionnelle ? La réponse est claire : rien du tout ! En Guyane, la collectivité est la proie d’une immigration incontrôlée venant du Brésil ce qui génère une insécurité massive, parfois ultra violente (voir par exemple la lutte contre les garimpeiros, les chercheurs d’or clandestins). A Cayenne toujours, on se rappelle l’image des «grands frères» à l’apparence mafieuse gesticulant devant une ministre BAREIGTS éberluée, et promettant des milliards d’euros – que les Guyanais attendent toujours- pour acheter la paix sociale. En Martinique, le président de la collectivité Alfred Marie-Jeanne, pourtant indépendantiste lui-même, reconnaissait dans un discours du 1er mars 2018 la faillite de la collectivité unique. En Guadeloupe, le climat social est à couper au couteau et, anecdote douloureuse pour les familles : l’eau y est deux fois plus chère qu’à La Réunion. Les investisseurs fuient ces territoires où le désordre a pris le pas sur la paix sociale.
La fausse droite, alliée à nos adversaires,
a fait le choix en réalité de faire disparaitre l’article 73 en le fusionnant avec l’article 74 c’est-à-dire en transformant « La Réunion Département Français » en Collectivité. C’est le piège dans lequel on veut entrainer les Réunionnais car les Collectivités sont régies par l’article 74 : c’est une fuite vers l’autonomie
Érigeons-nous contre ce piège motel en nous battant pour conserver l’amendement VIRAPOULLE. Méditons le mot rappelé gravement par Raymond ARON selon lequel : « l’Histoire est tragique ».
Jean-Jacques MOREL
Avocat
Lauréat de droit constitutionnel
de la Faculté d’Aix-en-Provence