Le site de la Rivière du Mât n'est pas prêt d'accueillir une partie de "récolte" du petit alevin. La faute à une réglementation et des autorisations contradictoires. En plus des sept mois d’interdiction de pêche et l'obligation de former un nouveau canal réservé à la reproduction des bichiques, d'autres règles viennent entraver la pratique des pêcheurs traditionnels.
"De base il y a deux canaux, avec 11 pêcheurs par canal. La DEAL nous a ensuite demandé de faire un troisième canal pour la reproduction et la préservation des bichiques donc on n'y touche pas car c’est pour permettre aux bichiques de remonter la rivière. Et en même temps, ils donnent des autorisations de pêcher en amont de ce canal à des gens qui ne sont pas des pêcheurs traditionnels… C’est n’importe quoi !" considère le pêcheur qui a hérité cette passion de son père.
"La pression de la DEAL"
Il ajoute : "Et là ils ne veulent pas que l’on pêche à cause de l’estacade qu’il y a plus haut. Ils veulent qu’on l’enlève. Mais c’est trop tard ! Le 16 septembre c’est la nouvelle lune et c’est censé être le début de la pêche, c’est la montée du bichique", regarde-t-il la montre avec la certitude qu'il peut déjà tirer un trait sur la saison 2022.
Une estacade, ou « bac » comme l'appellent dans leur jargon les pêcheurs, c’est un barrage qui empêche les bichiques venus de la mer de remonter trop haut dans la Rivière du Mât. Ce barrage crée un petit bassin dans lequel les bichiques juvéniles vont grossir et mûrir. Une fois arrivés à maturité, à une bonne taille, les bichiques peuvent être pêchés. "Là ou gagn fait un vrai carry bichiques !", approuve-t-il en connaisseur.
Seulement voilà, détruire l’estacade juste avant le 16 septembre, ce n’est pas possible si l’on veut pêcher le bichique comme il se doit. Même si l’ordre avait été donné il y a un mois, cela n'aurait pas laissé assez de temps aux pêcheurs pour la détruire et en refaire une autre. Alors tout cela avant le 16, c’est inenvisageable, confirme Jean-Albert Ferrié qui déplore ce qu'il appelle "la pression de la DEAL". Ce n'est pourtant pas faute d'avoir été assidu à toutes les réunions en présence notamment de la mairie, du conseiller départemental du secteur et donc des agents de l'Etat.
Il a d'autant plus l'impression d'être tourné en bourrique que les "pêcheurs poche" raflent à chaque fois la mise sans scrupule. Ces derniers pêchent l'alevin directement dans la mer au niveau de l'embouchure et s'y prennent avec des filets. De "véritables chalutiers qui peuvent prendre jusqu'à 2 à 3 tonnes", compare-t-il cette pratique avec la sienne, moins dommageable pour l'espèce. "Je peux faire 500 kg en moyenne par an", précise Jean-Albert.
En attendant (peut-être) le retour des belles années - lorsque le caviar péi était abondant - les pêcheurs traditionnels de bichiques sont interdits d’activité à l’heure actuelle. Et plus dommageable encore, le site de la Rivière du Mât les bas, du côté de la rive de Saint André, est dans un piteux état sans l'aménagement des pêcheurs qui sont aussi, en quelque sorte, les gardiens des lieux.
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