On sait depuis quelques mois maintenant que les relations ne sont plus au beau fixe entre Air Austral et Air Madagascar. On a par exemple appris que le gouvernement malgache avait tenté de prendre des contacts avec plusieurs compagnies aériennes, Turkish Airlines, mais aussi Qatar Airways ou encore Ethiopian Airlines pour remplacer, totalement ou en partie, Air Austral à l'intérieur du capital de la compagnie nationale malgache.
Jusque là, nous avions du mal à comprendre où se situaient les responsabilités dans la mesure où les dirigeants d'Air Austral gardaient un silence pudique sur le sujet. Ne restait donc plus que la version malgache qui accusait Air Austral de ne pas avoir respecté ses engagements dans le partenariat stratégique, et notamment de ne pas avoir versé 25 millions de dollars promis.
Fort heureusement, un article paru vendredi dans La Gazette de la Grande Ile vient nous apporter tous les éléments qui nous manquaient jusqu'ici pour bien comprendre les raisons de la fâcherie. 3 mois après la signature de l'accord, l'état malgache renie sa signature En fait, en contrepartie du versement des 25 millions par Air Austral, le gouvernement malgache s'était engagé par écrit à ne pas accorder de licences -c'est à dire des droits de desservir la Grande Ile- à des compagnies étrangères jusqu'en novembre 2020. Or, dès janvier 2018, c'est-à-dire 3 mois après la signature de l'accord, le gouvernement de Hery Rajaonarimampianina a violé l'accord en accordant des licences à d'autres compagnies.
Les dirigeants d'Air Austral ont pensé que l'arrivée du nouveau président d'Andry Rajaolina allait permettre de revenir sur ces décisions et que le gouvernement malgache allait enfin respecter sa signature.
Il n'en fut malheureusement rien. On comprend dès lors pourquoi Air Austral a refusé de payer les 25 millions de dollars promis.
Mais, non content de ne pas respecter sa parole, le gouvernement malgache a voulu aller encore plus loin en réduisant la participation d'Air Austral au sein du capital d'Air Madagascar de 49 à 7%. C'est ce qu'a confirmé il y a quelques jours Rinah Rakotomanga, la directrice de la communication de la présidence malgache -dont il se dit qu'elle souhaiterait prendre la direction d'Air Mad- aux délégués du personnel de la compagnie.
Ce faisant, elle ne faisait que faire écho aux récentes déclarations de Marie-Joseph Malé, le PDG d'Air Austral, qui avait déclaré il y a quelques semaines dans une interview que sa compagnie accepterait de réduire sa participation dans Air Mad et d'en confier le management à la partie malgache si celle-ci le souhaitait. Mieux vaut donner l'impression de souhaiter partir avant de devoir le faire à coups de pieds dans le derrière...
Aucune compagnie étrangère ne veut prendre la place d'Air Austral Le problème, c'est que le gouvernement malgache, malgré tous ses efforts, ne trouve personne pour remplacer la compagnie réunionnaise. Plusieurs tentatives en direction de Qatar Airways, puis de Turkish Airways et enfin d'Ethiopian Airlines se sont soldées par des échecs.
A cela au moins deux raisons. D'abord, il semblerait que le contrat liant Air Austral et Air Madagascar soit en béton armé et ces compagnies n'ont apparemment pas envie d'entrer dans un long conflit juridique dont elles risqueraient de sortir perdantes. Mais surtout, comment faire confiance à un gouvernement qui vient, quelques mois avant, de violer un accord international? Quelle valeur a aujourd'hui la signature de l'état malgache?
Resterait la Sécu malgache, mais ses administrateurs ne sont pas chauds Au cours de cette réunion avec les délégués du personnel d'Air Madagascar, Rinah Rakotomanga a également annoncé que c'était la Sécu malgache, le CNAPS, qui allait fournir les 25 millions qu'Air Austral a refusé de verser. Le journaliste de La Gazette de la Grande Ile semble s'interroger sur cette possibilité. A l'écouter, les administrateurs de cet organisme, parmi lesquels des représentants des salariés et des employeurs, ne seraient pas chauds pour engager l'argent des salariés dans cette aventure risquée.
En effet, Air Austral était un gage de sérieux dans le management. Malgré cela font remarquer certains administrateurs du CRAPS, "
alors qu'Air Austral assure le management, des représentants de l'état malgache dans le conseil d'administration s'amusent à surclasser des clients et offrir des GP (NDLR : des billets presque gratuits).
Qu'en sera-t-il si ce sont nous les Malgaches qui vont assurer la direction générale? Ce serait de nouveau la faillite".
Air Austral victime collatérale de la volonté de l'état malgache de rompre avec la France ? Une autre hypothèse émerge pour expliquer la tentative d'éviction d'Air Austral : un sentiment anti-français qui prévaudrait au sein du gouvernement d'Andry Rajaolina. Dernier exemple en date : la volonté de l'état malgache de remplacer les ATR, des avions franco-italiens, par des Embraer, une entreprise brésilienne bientôt rachetée par Boeing.
Dans cette hypothèse, Air Austral ne serait qu'une victime collatérale d'une bataille diplomatique qui se jouerait à un niveau bien supérieur entre grandes puissances et dans laquelle il est de notoriété publique que les Américains et les Chinois souhaiteraient évincer les Français de la Grande Ile pour s'approprier de juteux marchés. Quitte à arroser au passage quelques dirigeants corrompus...