Un débat sur l’éducation positive a eu lieu mercredi 1er août à 12h15 sur la radio la Première. Etant dans l’impossibilité d’appeler, car j’étais aux fourneaux, je voudrais tenter ici de réagir
L’intervenante, formée selon la méthode Filliozat, donnait l’impression d’assez bien maîtriser son sujet et ses compétences comme sa personne ne sont pas en cause dans la critique qui suit. La journaliste ne l’est pas davantage, et tout au contraire, je voudrais la féliciter d’avoir su, par ses questions pertinentes, être une représentante efficace des auditeurs.
En tant que professionnel de la psychologie, il me semble clair que, malgré son ambition, l’éducation positive en général – je ne vise pas spécialement la méthode Fillozat — est très loin de pouvoir guider les parents avec succès vers la réussite éducative qu’ils espèrent et dont ils ont terriblement besoin.
Disons que, comme dans la plupart des stratégies ou méthodes éducatives qui fleurissent dans un « marché » actuellement très demandeur, ce que j’ai entendu dans ce débat offre tout à la fois le meilleur et le pire de sorte que nombre de parents pourraient facilement s’égarer.
Ainsi, pour ce qui est du meilleur, l’intervenante a, avec beaucoup de bon sens, rappelé aux parents qu’ils sont, quoi qu’il arrive, des modèles pour leur enfant et que, par conséquent, il importe qu’ils aient un comportement « exemplaire ». Et cela sans oublier de les inviter à l’attitude responsable la plus exigeante qui soit — mais qui soulage le mieux de sa culpabilité quand on sait avoir été tout sauf exemplaire —, celle qui consiste à : 1) reconnaître sans chercher à minimiser ses erreurs, ses insuffisances ou ses fautes et 2) en demander pardon à l’enfant. Pour ma part, quand j’entends ça, j’applaudis !
Malheureusement le tableau s’est rapidement gâté avec des affirmations extravagantes telles que les fans de neurosciences savent nous en servir à la pelle : le cerveau de l’enfant par ci, le cerveau de l’enfant par-là, jusqu’à la nausée alors qu’en matière éducative, comme en matière psychologique, les neurosciences n’ont jamais fait que confirmer ce que l’on savait déjà. Nul parent n’a besoin de connaître quoi que ce soit du cerveau, qu’on se le dise !
Mais là où le bât blesse le plus sérieusement c’est lorsqu’il est question de frustration. Alors que les parents sont constamment invités par les tenants de l’éducation positive à rechercher et comprendre les besoins de l’enfant plutôt que d’en venir aux punitions, notre intervenante déclare qu’il conviendrait de distinguer entre le besoin de l’enfant et la demande qu’il exprime car il importe à certains moments (lesquels ?) de pouvoir lui déclarer : « je comprends le besoin que tu exprimes mais je ne peux accepter ta demande. » Quelle différence avec un « non » qui a, au moins, le mérite de la franchise ? Ne cherchez pas, il n’y en a aucune. Nous sommes dans le rapport de force (si vous en doutez, essayez ;-)) et c’est justement le talon d’Achille des méthodes qui confondent empathie et complaisance. Car vient toujours le moment de vérité, quand le pulsionnel débridé de l’enfant « empathé » à gogo part en vrille et fait toucher leurs limites aux parents qui auraient pu s’illusionner sur cette approche.
Face à de telles situations, comme je l’ai toujours dit dans ma modeste pratique de psychologue scolaire, je ne connais qu’une solution : le fait d’avoir avec l’enfant un accord sur les conséquences qu’il aura à subir s’il fait une crise. Il suffit de convenir avec lui qu’il sera privé d’une de ses drogues préférées (sucré, salé, télévision, console de jeux… ou, pour certains, la présence exclusive du parent à ses côtés) pendant la plus petite durée suffisante pour être « significative ». Après qu’il y ait goûté (pour tester votre détermination), votre marmaille y regardera à deux fois avant de refaire une crise au supermarché, dans la voiture, chez des amis ou simplement chez vous. Il comprendra que, dorénavant, tout dépend de lui. Or, c'est tout ce qu'il aime !
Construire avec son enfant un tel accord incluant une sanction mesurée et, surtout, convenue, c’est la garantie de ne jamais lui faire violence lorsque vient le moment d’appliquer la sanction car on peut alors faire cela avec une réelle compassion : l’enfant a échoué à se tenir à ce à quoi il s’était engagé et on est triste pour lui. Si on est capable soi-même de se tenir à ce à quoi on s’est engagé, à savoir, appliquer la sanction, alors cet accord sera une règle, une loi qui, tout en reliant, tiendra chacun à sa place au sein d’une « démocratie » familiale en paix que, pour ma part, je perçois comme la seule alternative viable au conflit permanent de la tyrannie de l’enfant ou des parents.
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