« Nous n’avons pas peur. Et ce sujet qui était tabou, nous allons le mettre au soleil. Celui qui croit être éternellement protégé et bien, il ne le sera pas ! Parce que nous espérons que Justice sera faite », affirme Huguette Bello en parlant de l’affaire pour laquelle l’UFR s’est portée partie civile et qu’elle est venue soutenir en personne.
Depuis plusieurs mois, l’association soutient les filles de Luc Rosello, le directeur du Centre Dramatique National de l’Océan Indien (CDNOI) qui ont porté plainte contre lui pour agression sexuelle incestueuse durant leur enfance. Un combat judiciaire entamé il y a 10 ans dans le commissariat du XVe arrondissement de Paris.
C’est lorsque l’affaire a été transférée à La Réunion que les difficultés ont commencé. Après avoir été d’abord perdu, le dossier a été classé sans suite après une confrontation entre les deux parties. Une expérience traumatisante pour les plaignantes. Malgré cet échec, les deux sœurs n’ont pas abdiqué et ont déposé plainte à nouveau en janvier dernier.
« On a le droit de refuser l’impunité, l’humiliation, la honte, la culpabilisation et la culpabilité. On a conscience que briser le silence, c’est s’attaquer au monstre. Mais on a plus peur et on ira au bout. Nous ne lâcherons pas ! Nous sommes prêtes ! On espère que ce sera un exemple et que ni la société, ni la Justice, ni les institutions, ne participeront à délivrer des cartes d’impunité aux monstres », déclare Moane, venue à visage découvert parler en son nom, celui de sa sœur et de toutes les victimes d’inceste.
Le difficile parcours des victimes
Si la démarche de cette conférence de presse brise la présomption d’innocence, l’UFR assume totalement. « A l’UFR, comme dans les autres associations, si on parle, on sait qu’on va nous accuser. C’est la présomption d’innocence, il faut toujours respecter la présomption d’innocence. Non ! On en a marre de cette présomption d’innocence, nous, on est là pour accompagner les victimes ! C’est ce qu’on fait et ce qu’on veut leur montrer », s’insurge de son côté Leslie Chaussalet.
La secrétaire générale de l’UFR poursuit appelant les victimes à se manifester. « On sait qu’elles sont nombreuses et il faut qu’elles sachent qu’on est là », même si elle concède que l’UFR n’est pas spécialisée pour les enfants. Elle rappelle l’existence de l’association EPA (Écoute-moi, protège-moi, Aide-moi) qui œuvre entièrement pour cette cause.
De nombreuses victimes d’inceste étaient présentes et elles ont évoqué leur parcours douloureux, notamment face à la justice. L’une d’elles va même raconter comment le père de ses enfants a abusé d’eux. Après avoir eu le choc de le voir innocenté après un classement sans suite, il l’a même poursuivie en Justice et tenté de reprendre la garde exclusive des enfants.
La difficulté pour la Justice, où l’accusation a la charge de la preuve, est de pouvoir trancher en l’absence d’élément matériel ou de prescription des faits. Un comble lorsque les faits se sont produits parfois plusieurs décennies, avec des victimes parfois en bas âge.
« C’est toujours insuffisamment caractérisé, c’est ça qui est retenu. Parce qu’il y a toujours le problème de la preuve. Comment on prouve ça ? Déjà, sans parler d’inceste, quand on parle des violences sexuelles, comment on prouve un tel acte ? Quand en plus on est un enfant, quand on a 5 ans lorsque ça se passe, comment on prouve ces faits ?« , s’insurge Leslie Chaussalet.
Les chiffres terribles de l’inceste
Pour réaliser l’ampleur du drame lié à l’inceste, il convient de regarder les chiffres pour réaliser l’ampleur du phénomène. Environ un Français sur dix a été victime d’inceste. Cela signifie que dans chaque classe de 30 élèves, 3 en sont victimes. Lorsqu’un enfant est en situation de handicap, il a trois fois plus de chance d’en être victime.
80 % des victimes sont les filles, tandis que 96 % des auteurs sont des hommes. Une femme sur cinq et un homme sur treize ont été victimes d’inceste avant leur majorité. L’âge moyen de la première agression se situe vers 9 ans. Toutes les trois minutes, un enfant est agressé sexuellement en France.