Mercredi, il y a deux jours, le siège du MoDem à Paris était perquisitionné dans le cadre de l’affaire des assistants parlementaires européens. Les enquêteurs cherchaient à savoir si le parti centriste de François Bayrou n'avait pas utilisé des fonds européens, dévolus à l’embauche d’assistants parlementaires, pour rémunérer en partie des cadres du MoDem.
Le hasard du calendrier fait que la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP) a publié hier soir sur son
site les déclarations d'intérêt et d'activité déposées par les députés élus au mois de juin dernier. Et le moins que l'on puisse dire, concernant Thierry Robert, c'est qu'il cultive le mélange des genres.
La plupart de ses attachés parlementaires cumulent deux, voire trois emplois. Et les employeurs sont toujours les mêmes : l'Assemblée nationale bien sûr, le LPA (le parti politique de Thierry Robert La Politique Autrement) et... la mairie de Saint-Leu.
Déjà à l'époque, son attaché parlementaire avait déclaré qu'il était un emploi fictif Pour mémoire, pour ceux qui l'auraient oublié, Zinfos avait publié le 18 septembre 2016 un article intitulé "
Thierry Robert accusé d'emploi fictif par son ancien attaché parlementaire ". Ce dernier, Okan Germiyan, avait à l'époque accusé son ancien employeur de l'avoir fait embaucher fictivement par la mairie de Saint-Leu.
Pour bien comprendre le mécanisme, voici ce que nous écrivions à l'époque : Un député touche une rémunération de 7.100,15 euros par mois. Ce montant correspond à la somme de son indemnité de base (5.514,68 euros), de son indemnité de fonction (1.420,03 euros) et de son indemnité de résidence (165,44 euros). Une fois déduites les cotisations et les contributions applicables, le salaire net d'un député s'élève à 5.189,27 euros par mois. Mais à ce montant s'ajoutent des indemnités et des avantages supplémentaires.
D'abord, certains parlementaires -comme Thierry Robert- cumulent les fonctions de député avec celles d'élu local (celle de maire notamment). Les indemnités perçues au titre de ce mandat local peuvent être cumulés dans la limite d'1,5 fois le montant de l'indemnité de base d'un député (fixée à 5514,68 euros). Un député qui cumulerait plusieurs mandats peut donc toucher plus de 5.514,68 X 1,5 soit 8.272,02 euros par mois.
En plus de l'indemnité parlementaire, chaque député bénéficie d'une indemnité représentative des frais de mandat visant à prendre en charge les dépenses liées à l'exercice de ses fonctions. Son montant est de 6.412 euros bruts mensuels.
Enfin, et c'est là que cela commence à nous intéresser, un député dispose également d'un crédit affecté à la rémunération de collaborateurs recrutés par lui, et dont les effectifs varient de 1 à 5. Le montant mensuel de cette enveloppe est de 9.138 euros.
A son entrée en fonction, Thierry Robert avait décidé d'embaucher deux attachés parlementaires :
celle qui va l'accuser de harcèlement sexuel, et Okan Germiyan.
Ce dernier est engagé en tant qu'assistant parlementaire (et donc rémunéré sur l'enveloppe versée par l'assemblée nationale) à raison de 35h hebdomadaires et pour un salaire de 2.400 € brut.
Un transfert de contrat de travail sur la mairie de St-Leu Bizarrement, moins de 15 jours plus tard, ce temps de travail était réduit à 8h et le salaire à 535 €. Mais tout aussi étrangement, en parallèle, le même jour, Okan G. était embauché cette fois par la commune de Saint-Leu, comme attaché chargé des affaires communales en métropole... auprès du député Thierry Robert. Le contrat était à temps partiel (80% de 35h) pour un salaire de 2.770 € brut.
Cette "
manip" aurait pu se justifier si Okan Germiyan avait effectué un réel travail pour le compte de la mairie de Saint-Leu, mais à lire la requête en annulation qu'il a introduite en mars 2014 auprès du tribunal administratif de Saint-Denis et dont nous avons publié la copie dans notre article du 18 septembre 2016, il affirme au contraire "
qu'aucune mission ne lui était confiée pour le compte de la commune qui le rémunérait". Autrement dit, il accusait Thierry Robert d'emploi fictif et demandait au tribunal de le rétablir en tant qu'assistant parlementaire... rémunéré par l'Assemblée nationale, et non pas par la mairie de Saint-Leu.
Suite à cette affaire une plainte avait été déposée et une enquête préliminaire est actuellement en cours, diligentée par le parquet de Saint-Pierre.
Un cas similaire à celui de Okan Germiyan On aurait pu penser que cette plainte allait calmer Thierry Robert. Il semble qu'il n'en soit rien.
Quand on décortique la liste de ses collaborateurs parlementaires telle qu'elle a été publiée hier par la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique, on découvre que la plupart des attachés parlementaires de Thierry Robert cumulaient au moins deux emplois, quand ce n'était pas trois, voire quatre ! A l'Assemblée nationale, au LPA, à la Région et à la mairie de Saint-Leu !
Le cas de Kévin Jean Daniel Thuillier est exemplaire car il contient exactement les mêmes ingrédients que celui de Okan Germiyan vu plus haut.
Il cumulait en effet les fonctions d'attaché parlementaire à Paris avec celles
d'attaché rédacteur en charge du suivi des affaires communales en Métropole pour le compte de la mairie de Saint-Leu. Et comme par hasard, son contrat s'est achevé le 06 juillet dernier, quelques jours avant que Thierry Robert ne démissionne de son poste de maire de Saint-Leu.
Est-ce à dire que, du jour au lendemain, la mairie de Saint-Leu n'a plus eu besoin d'un attaché pour suivre ses dossiers à Paris? Pourtant, Thierry Robert venait d'être réélu député quelques semaines plus tôt...
Ou la véritable raison ne serait-elle pas plutôt à rechercher du côté du nouveau maire, Bruno Domen, qui n'aurait pas voulu cautionner une telle manoeuvre qu'il savait illégale?
Des collaborateurs parlementaires qui cumulent plusieurs emplois Dans le même registre, Jean-François Valadier n'est pas mal non plus puisqu'il a réussi l'exploit de cumuler pas moins de trois emplois :
- Attaché parlementaire pour le compte du député Thierry Robert payé par l'Assemblée nationale à des dates non précisées
- Responsable du LPA du 16 décembre 2013 au 31mai 2014 et agent administratif depuis le 1er février 2016 à ce jour,
- Attaché et rédacteur à la mairie de Saint-Leu du 26 mai 2014 au 4 octobre 2015 puis du 04 janvier 2016 au 30 juin 2016 et référent administratif depuis le 1er juillet 2016 à ce jour.
Champion toutes catégories : 4 emplois ! Mais le titre de champion toutes catégories est remporté haut la main par Yanick David Dindjian qui a réussi à cumuler pas moins de quatre emplois :
- Attaché parlementaire du député Thierry Robert payé par l'Assemblée nationale à des dates non précisées
-
Responsable de la communication et responsable du développement et de la coordination des sections au LPA du 1er juin 2013 au 30 septembre 2016
- Attaché en charge du groupe LPA à la Région 1er février 201616 au 31 décembre 2016
. Il s'agit d'un responsable désigné par le groupe politique LPA mais payé par la Région.
- Attaché à la communication et responsable service archivage à la mairie de Saint-Leu du 25 juin 2013 au 31 décembre 2016.
Pour qui travaillaient réellement ces attachés ? Comme nous l'avons précisé, une enquête préliminaire est en cours concernant l'emploi présumé fictif de Okan Germiyan. Peut-être serait-il judicieux de l'étendre à tous ces contrats cumulés, afin d'y voir plus clair... Et de déterminer pour qui travaillaient réellement ces attachés. L'Assemblée nationale ? La mairie de Saint-Leu ? La Région ? Le Modem ? Le LPA ? Sachant par exemple que le LPA à la Réunion, c'est essentiellement Thierry Robert. Il suffit pour s'en convaincre de savoir que le site internet payé par le parti a pour nom de domaine http://www.thierryrobert.re et qu'il est exclusivement consacré à l'ancien maire de Saint-Leu...