L’audience promettait d’être aussi désespérante et morne que la plaine de Belgique citée par Hugo. Quand survint une affaire de propriétaire-locataire aussi mal luné que ses semblables. On le sait, ici, que les relations entre propriétaires et locataires se passent moins bien que mal. Sinon, madame Aude n’aurait aucune raison d’être.
Il veut la guerre ? L’aura !
A la barre, ce matin, il y avait Marie-Alain, 59 ans, petit, râblé, renfrogné. "Sanguin" et coléreux, comme l’a dit le substitut Bernard. Et son co-accusé, Dorian Ethève, 26 ans grand, maigre, qui n’a pas la langue dans sa poche, et qui n’hésite pas, à la barre (et pour se dédouaner ?) à contredire son co-accusé.
L’affaire, très embrouillée, promettait d’être savoureuse devant les déclarations contradictoires des uns et des autres. Il était évident qu’ils étaient tous aussi francs que des arracheurs de dents. Ou des jetons ? Comme aussi des ânes qui reculent, si vous préférez.
De quoi s’agit-il ?
Simple : monsieur Marie-Alain, outre ses bœufs et ses prairies à la Plaine-des-Cafres, possède pas moins de 16 logements locatifs. Ben oui : 16, en propriété propre, alors que vous et moi en chions pour habiter quelque part. Il déclare, outre ses bovidés, ses prairies et ses locations, pas moins de 50.000 euros aux impôts annuellement. Vous non et moi encore moins. Cela fait rêver, non ?
Il est comme tous les loueurs à mauvais caractère : ses clients ne restent jamais longtemps. Car bonhomme a (très) mauvais caractère et le sang à fleur de peau, comme l’a souligné le substitut. S’est donc installé un litige mortel entre lui et un de ses clients, le nommé Y.H. La guerre est entrée en lice.
Qu’est-ce qu’ils s’aiment, ceux-là !
Marie-Alain prétend que M. Y. aurait quitté son logement sans payer les dégradations causées au dit logement. M.Y. prétend qu’il n’a jamais pu récupérer sa caution comme les autres locataires, etc., etc.
Ils s’aiment, c’est évident.
Un jour, quelqu’un (jamais identifié) a dit à Marie-Alain que M.Y. venait chez lui pour mettre le feu à sa maison. Au lieu de prévenir normalement la gendarmerie, Marie-Alain, avec l’aide de sa famille, a dressé un guet-apens envers M. Y.
Et ce qui devait arriver arriva.
M.Y. tomba dans une vraie embuscade. Il se prit des coups comme on n’en rêve pas. Fracture ouverte, fracture simple, hématomes aussi divers que variés, quelques jours d’immobilité totale…. Bref, un totochement en bonne et due forme.
L’accusé ? Pas de quoi en fouetter un chat sauvage : il avait peur. Ce sera sa seule ligne de conduite : il a eu peur de voir sa maison incendiée parce que son adversaire avait des bidons d’essence dans sa bagnole. Comment le savait-il ? Cela restera un mystère de plus.
Qui était coupable alors ?
Bref, on l’aura compris, ils étaient tous comme des ânes qui reculent. Même son co-accusé réfutait les arguments présentés par le Marie-Alain en question…
Le plaignant devenait coupable, si on les écoutait.
Le principal accusé, jouant à merveille de sa difficulté auditive, avait beau jeu en feignant de ne rien comprendre à ce qu’on lui disait. Mais tout ceci ne pouvait durer. Parce que c’était un jeu de dupes.
L’accusé faisait semblant d’entendre (oreillette en évidence) ce qui lui convenait, c’était évident.
Pour tous, il était patent que ce mauvais caractère (le loueur), était "un sanguin cherchant à se faire justice soi-même", selon le Substitut.
Maître Brigitte Hoareau, pour la partie civile, insista sur sale réputation du logeur.
Le substitut Benoît Bernard enfonça tous les clous en sa disposition. "On ne se fait pas justice soi-même !" Une évidence pas si souvent prise en compte.
"On ne va pas passer la matinée là-dessus, quand même !"
Le bâtonnier Roland Motais s’est alors lancé dans sa plaidoirie.
Il est solide, le vieux. 90 ans aux cerises-Brésil.
Et la présidente Dinot s’est crue autorisée à interrompre la tirade de ce vieux briscard.
Le "vieux" Motais a 90 ans, excusez du peu ! n’a pas moufté, continuant sa plaidoirie comme si de rien n’était. La grande classe, en somme. On respecte un homme comme lui.
Son débit de paroles est certes plus lent que celui de nos jeunes adeptes du barreau. Mais sa pensée est claire autant qu’aux premiers jours.
Et savez-vous ce que la Présidente Dinot osé lui dire ?
"On ne va pas passer la matinée là-dessus !"
Elle qui éternise ses sessions, désespérant la presse, l’audience et Waterloo morne plaine, en relisant les feuillets qu’elle ne semble pas avoir en mémoire, ose manquer ainsi de respect à un homme de 90 ans. Un pilier. Un des zarboutans de notre justice réunionnaise ?
La paille et la poutre
Le débit de paroles de Me Motais est plus lent que celui d’un de ses jeunes collègues, soit. L’âge est là aussi.
Mais la voix est là, et bien là ! Me Motais n’a nul besoin de la sono… dont la présidente Dinot ferait bien de se rapprocher, elle si souvent inaudible. Avant de critiquer la paille, hein ?
Je ne suis pas le seul à avoir été outré, choqué, par les propos de la présidente Dinot, disant à Me Motais, 90 ans, ancien bâtonnier :
"On ne va quand même pas y passer le matinée !"
Elle qui passe si souvent son temps (précieux, soi-disant, et le nôtre) à relire et re-parcourir les dossiers qu’elle devrait connaître par cœur.
Qui plus est, on ne manque pas ainsi, même si la loi vous en donne formellement le droit, de respect à un avocat, bâtonnier de surcroît. Cet homme plaide. Vous devez l’écouter et non lui dire, comme vous l’avez honteusement osé, madame Dinot :
"On ne va pas y passer la matinée !"
Votre jugement me laisse d’une indifférence de glace. Vous avez été très généreuse envers cet individu. Grâce vous en soit-il reconnaissant.
Les prévenus s’en sortent avec des peines pour la plus grande forme : du sursis et n’y revenez plus, tas de petits garnements !
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