Evelyne Corbière, sénatrice de La Réunion et présidente de l’Union des femmes réunionnaises, s’était indignée au micro de Zinfos974 samedi d’une situation jugée dramatique. Durant le Grand Raid, l’affluence des touristes, coureurs et spectateurs limite le nombre de logements disponibles pour accueillir les femmes battues en détresse. L’UFR avait dénoncé l’attitude de la préfecture sur la question de la sécurisation des victimes de violences conjugales durant le Grand Raid.
La présidente de l’UFR avait affirmé que les représentants de l’Etat lui avaient demandé de faire héberger les victimes directement chez les bénévoles. Et « le bouquet, ils proposent que les services de la DIECCTE (la Direction des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi) se rendent chez nous pour vérifier que nous sommes en capacité d’accueillir du public ».
La préfecture de La Réunion a ce lundi matin demandé un droit de réponse et a indiqué : « Il n’a jamais été évoqué de contrôle des bénévoles par la direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DEETS, et non la DIECCTE qui n’existe plus depuis deux ans). (…) Depuis lors, la DEETS a consulté par deux fois les associations afin, d’une part, d’approfondir cette possibilité d’hébergement et, d’autre part, de recueillir les autres propositions des associations. L’UFR n’a pas répondu, ni pour questionner cette proposition, ni pour en proposer d’autres. »
Voici la nouvelle communication de l’UFR :
« Nous ne pouvons pas vous mettre à l’abri, Madame. »
Notre île se prépare à une manifestation sportive d’ampleur, à rayonnement international, qui apporte à notre économie un élan attendu par les professionnels du tourisme notamment. Nous sommes fiers de notre Grand Raid, un événement qui hisse La Réunion au rang des courses les plus difficiles du monde. Ainsi, du 19 au 22 octobre 2023, la 31ème édition promet de conforter davantage la notoriété de notre île intense, avec plus de 7 000 concurrents qui s’apprêtent à s’élancer sur nos sentiers.
Depuis quelques années, les associations partenaires qui viennent en aide aux victimes de violences conjugales ont constaté que les possibilités de mise à l’abri sont très réduites pendant la période du Grand Raid. En effet, d’ordinaire, les nuitées en pension – gîte – hôtel viennent compléter les places limitées d’hébergement en structures d’urgence. Cela n’est pas possible pendant les quelques jours du Grand Raid car il n’ y a plus une seule place de libre. Bien souvent, les victimes sont livrées à elles-mêmes et il n’y a pas de solution à proposer à ces familles qui demandent leur mise à l’abri d’urgence. Ainsi, dès le début de l’année 2023, les associations ont alerté l’autorité préfectorale sur ce problème. La demande a été entendue et une réunion s’est tenue en avril pour évoquer les difficultés du territoire durant cette période particulière.
Cependant, la réponse apportée par les services de l’État nous choque et nous interpelle. En effet, à quelques jours du coup d’envoi, les différents mails et relances de la préfecture et de la DEETS ne laissent aucun doute. Il est demandé aux associations de mobiliser parmi nos membres actifs et nos adhérents pour « offrir des possibilités d’hébergement pour une durée de 10 à 15 jours fin octobre ». La Préfecture de La Réunion nous enjoint d’« identifier quelques places chez l’habitant qui permettraient d’accueillir des victimes de violences pendant cette période tendue ».
Ainsi, notre alerte sur le sort des victimes et de leurs familles durant la grande fête du sport à La Réunion a débouché à un simple « Met zot kaz ! ». Nous ne comprenons pas l’indifférence de la Préfecture de La Réunion. Pourtant, la mise à l’abri de ces personnes vulnérables relève de la compétence de l’État. Pourtant, lors des Assises des Violences Intrafamiliales de mai 2023, on nous avait affirmé le plein engagement de l’État à La Réunion pour lutter contre ces violences et aider les victimes à s’en sortir. L’État ne peut-il pas mobiliser quelques moyens publics pour mettre à l’abri ces personnes blessées et effrayées, le temps d’un événement sportif à dimension internationale ?
Nous ressentons un profond manque de respect à l’égard des victimes que nous défendons et une grande indifférence pour notre engagement associatif. Enfin, nous ne commenterons pas la proposition de la DEETS de « rassembler et établir une synthèse des éléments d’un mode opératoire partagé pour ces mobilisations d’hébergements privés : visite préalable, engagement de l’hébergeant, action de sensibilisation, distribution de kit ». En matière de solidarité, nous n’avons pas de leçon à recevoir d’une institution qui se défausse.